
MAS ROUGE + FABLES DU CAUSSE ET DES CÉVENNES
Ventes groupée des 2 titres |
26 € TTC36 €
Auteur | Claude Seintignan |
MAS ROUGE
Ce fut un de ces matins-là, alors que nous nous affrontions à coups de poing, avec la dernière violence au milieu des grappes de glycines qu’il se rua sur la poche de sa veste. A ma grande stupéfaction il en tira un pistolet automatique qu’il me braqua sous le nez. Où s’était-il procuré cette arme ? Était-ce un cadeau de ses nouveaux amis, ou bien l’avait-il dérobée au cours d’une de ses virées nocturnes ? Je ne le savais pas et ne chercherai pas à le savoir. Je ne m’interrogeais que sur notre violence. Pourquoi cet éternel conflit, cette lutte jamais finie entre deux mondes qui se rejettent : blanc contre noir, obscurité contre lumière, astre du jour contre astre des nuits, pensée contre geste. Pourquoi ce vain combat, cet inutile divorce, puisque même fondamentalement différents nous sommes nés de la même alchimie, fondus dans le même creuset au cœur des étoiles et que nous sommes indispensables les uns aux autres ? Alors pourquoi cette inexpiable lutte à mort puisque la fin des uns entraînera la disparition des autres. Enfin, avec un égoïsme lucide, je devinais que sous l’effet du tabac, de l’alcool, des amphétamines et d’autres drogues qui m’étaient inconnues, Tancelin devenait incontrôlable et fou. Pas cette folie accompagnée qui s’étale sur le canapé du psychanalyste. Non, la folie du pauvre. Isolée. Irrémédiable. Celle qui tue...
FABLES DU CAUSSE ET DES CEVENNES
» Novembre, en bras de chemise sur la terrasse de La Grande Motte dans l’odeur des fleurs encore en bouquets et le pépiement des oiseaux. Mer de cristal, belle à peu agitée. Bain à midi et fuite au soleil. Un voilier passe entre deux arbres. Voiles roses. Le soleil de cinq heures déjà incliné à l’horizon enflamme les feuilles pourpres des platanes et des vignes. Journées courtes d’automne. L’hiver appuie sa joue froide aux fenêtres closes des longues soirées. Richou, le rouge–gorge est de retour. Les gelées ne sont pas loin. Richou le sait. Audacieux, la gorge rutilante, perché sur l’abreuvoir aux oiseaux, il regarde autour de lui et sifflote des histoires du temps jadis. Histoires d’hivers très froids, où les hommes du bord des rives n’allaient pas se baigner dans les eaux de cristal de Novembre ; où les oiseaux gelés tombaient du ciel comme des pierres ; où les troncs d’arbres explosaient sous la force du gel comme le feu d’un bombardement. Un bruit sourd de canonnades résonnant dans les forêts profondes. C’est à cette époque que Richou le rouge–gorge prit l’habitude de se rapprocher des humains. Les communautés entretenaient un feu de troncs, sur le mail, au milieu des maisons. Un feu partagé par tous. Engoncés dans de grosses laines, appuyés sur le vantail des portes, ils se racontaient dans le patois du temps les histoires à demi psalmodiées d’une tradition plurimillénaire. Richou le rouge–gorge se réfugiait sous la poutre des auvents dans les brindilles de chaume, inaccessible à la griffe acérée des chats. C’était là qu’il avait commencé à écouter et à apprendre la longue histoire des gens d’ici. Une histoire de veillées d’hiver au bord de l’âtre … »